dimanche 7 août 2016

Errances


La bouche sèche d’un puit s’ouvre sur le port de Paimpol. C’est un œil braqué sur les bateaux, face au large. C’est un cadre dans lequel s’insinue mon regard, m’évoquant un miroir. Je me sens vide et lasse. Mille questions me taraudent. Je traverse une tempête intérieure. J’ai repoussé pour un temps des questions auxquelles il me faut maintenant répondre sur ce personnage qui m’échappe. 

Il veut occuper l’espace sans me révéler ce qu’il est, ce qu’il ressent, ce qu’il espère. Il veut s’écrire seul. Mais si je le laisse faire rien ne se passera. La page restera blanche. Alors j’attends. Je serre les dents et je supporte cet instant qui a duré plusieurs semaines l’année dernière avant de saisir le détail qui a dénoué un chapitre. 

En attendant je fais celle qui baisse sa garde, qui se concentre sur d’autres questions et je l’observe du coin de l’œil, de loin. Il est coriace. Ce jeu l’amuse beaucoup. Moi, il me désespère. Face à la page blanche, j’essaie de me convaincre : il finira par se dévoiler. Mais, il est si loin de moi. Je dois faire des efforts pour le comprendre. Il parle une autre langue. 

Pour me changer les idées, je me concentre sur le mouvement des marées. L’eau qui monte, rapide et silencieuse, devrait m’apaiser. Protectrice, elle ramène les bateaux au port. Mais je suis sans amarres et j’erre sur les vagues profondes, au loin, aux limites de moi. Si j’écoute trop le vent, je risque de me perdre. Mais, il m’apporte un chant. C’est un chant de la mer venu de ce là-bas que je porte en moi. 

Sur la barque cahotante, il est là face à moi, ce personnage revêche. Il entend la musique. Elle semble l’envoûter. Il ne lutte pas très longtemps. Au bout d’un court instant, il chante à son tour. Sa voix est juste et claire. Je comprends chaque mot de cette langue étrangère. J’en ai les larmes aux yeux. Déjà, je l’aime un peu, cet être brutal qui m’a fait tant douter. 

Maintenant, il me raconte, sans jamais me regarder, l’histoire amère de sa vie. Maintenant, le papier se couvre d'encre, de tout le noir que recèle ce cœur sombre. Je pleure et je tremble. Bientôt, il va tout briser. Je me tourne vers la terre ferme dont je distingue les côtes au loin. La tempête approche. Je suis dans son sillon.

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