jeudi 28 août 2025

Retour de lecture : "Son odeur après la pluie" Cédric Sapin-Defour

 

Couverture "Son odeur après la pluie" de Cédric Sapin-Defour chez Poche

Synopsis : 

C’est une histoire d’amour, de vie et de mort entre un homme et son bouvier bernois, Ubac, qui, en même temps qu’il grandit, prend une place toujours plus centrale dans le quotidien du narrateur. Certaines pages, Ubac pue le chien, les suivantes, on oublie qu’il en est un, et l’on observe ces deux êtres s’aimant, tout simplement. Un lien mystérieux qui, se passant de mots, nous tient en haleine. Une existence inquiète et rieuse, intense, où tout va plus vite et qu’il s’agit de retenir. Et l’inéluctable séparation dont on ne voudrait pas mais qui lui donne toute sa substance. Reste ce fichu manque. Ces griffes que l’on croit entendre sur le plancher et cette odeur, malgré la pluie, à jamais disparue. Nul besoin d’être converti pour partager ces treize années d’intimité. Cette histoire est universelle.


Ce livre m'a bouleversée et ce, dès les premières lignes. La préface de Jean-Paul Dubois y a été pour beaucoup, posant en prélude du roman, avec une grande tendresse, son avis argumenté de lecteur mêlé, en filigrane, à sa propre expérience de vie auprès de compagnons à quatre pattes. L'écriture de l'auteur - magnifique ! - m'a happée dans l'intimité de cette histoire qui fait immanquablement résonner des notes en soi.

Car ce livre raconte une histoire vraie. D'amour. Particulière et universelle. Une aventure de vies mêlées. Intense et pourtant, toujours trop courte. 

Au poids des mots de l'auteur, je mesure l'immensité de la peine qui a marqué l'écriture de ce roman. Je mesure également la nécessité viscérale de poser ces mots pour se souvenir, laisser une trace, essayer de faire un portrait de cet être. De faire réémerger un peu de sa présence. 

Ubac... C'est lui sur la photo de couverture. Il est beau, fier, fort, rayonnant. Une belle âme émane de ce profil au regard captivé par un paysage de montagne qui nous échappe, mais que l'on parcourt, sur les pas du narrateur, au fil du roman. Une belle âme jusque dans les dernières pages, lorsque l'âge laisse encore passer au fond du regard quelques parenthèses de lucidité et de connivence.

Et puis, doucement, la porte se ferme et dans le silence, il ne reste que l'écho invisible de toutes les traces de l'absence. Ces minuscules détails auxquels on ne faisait pas attention du temps du vivant. Ou plutôt on faisait mine de les ignorer dans le flot du quotidien, d'y être habitué. Mais tout est pourtant bien là, gravé dans notre mémoire. Le cliquetis des griffes sur le carrelage, l'aboiement systématique le soir au retour du travail en écho au portail qui s'ouvre avec un grincement plaintif, ce ronflement moelleux qui a bercé mon sommeil pendant quelques années, cette présence constante dans mes jambes, de jour comme de nuit. Mon ombre, qui en est bel et bien une aujourd'hui...

On nous dit que ce ne sont que des bêtes... Et pour cette raison, c'est moi qui l'ai été car je n'ai pas osé te pleuré assez. Mais même si vivre sans ces compagnons devient possible au fil du temps, comme pour tout être aimé, la blessure ne se referme jamais.

J'ai cru ma chère Chipie qu'après toi, la présence d'un chien me manquait simplement. J'ai attendu deux ans et je suis retournée à la même SPA où nous avions lié connaissance. J'en suis ressortie avec deux petites chiennes qui comme toi avaient connu le deuil et attendaient un dernier foyer. Elles sont adorables et je suis heureuse de les voir déambuler auprès de nous. Elles réchauffent nos jours, comme tu l'as si bien fait en ton temps. Je ne regrette rien, mais, tu vois, je m'aperçois que je me suis trompée. Elles ne te remplacent pas. Elles occupent une autre place, tandis que la tienne reste vide. Et je n'arrête pas de m'en apercevoir lorsqu'un lapsus m'échappe et que j'en appelle une par ton nom. Encore aujourd'hui, je l'avoue, tu me manques...

Tu avais un cœur trop grand, les oreilles aussi. Et cette générosité jusqu'au dernier matin.

Tu m'as réveillée doucement avant le lever du jour. Je pensais que tu voulais seulement sortir. L'heure inhabituelle aurait dû m'alerter, mais on ne pense pas au pire lorsque les évènements ont lieu, il s'invite brutalement, c'est tout. J'ai compris après que tu voulais que je sois là, qu'il s'agissait simplement d'accueillir ton dernier souffle dans mes bras. Je t'ai accordé cet infime geste par réflexe lorsque je t'ai vue t'effondrer. Je t'ai regardé expirer sans vouloir comprendre, sans pouvoir non plus retenir mes larmes. 

Quelques heures plus tard - il faut du temps quand on navigue dans la douleur - j'ai compris que tu avais discrètement pris les devants pour escorter un autre être dont le départ était programmé et que l'on pleurait déjà. Tu as été son guide aux portes de l'inconnu. Pour qu'il ne soit pas seul là-bas, tu es passée de nos bras aux siens... Le même jour, je t'ai perdue toi et j'ai perdu mon père, mais vous savoir ensemble dans une certaine idée de l'au-delà, nous a un peu consolées.

Après tout ce temps et grâce à ce livre, je parviens à poser ces quelques mots pour toi, ma chérie. Je l'avais fait pour mon père mais je croyais que mon deuil de toi serait à la hauteur de tes petites pattes. J'ai eu bien tort et aujourd'hui, je veux te dire merci, merci pour tout ma Chipie...

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