dimanche 5 juin 2016

Final

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Depuis une semaine, je me suis résolue à le poser. J’étais partagée entre la hâte, l’impatience et l’appréhension. Et puis, il a fallu que je me rende à l’évidence. A la fin de la dernière ligne, mes mains sont restées sur le clavier, immobiles. C’était terminé. Après tout ce temps, tous ces mots jetés sur le papier, toute cette encre, ces cahiers noircis, ces kilo-octets de fichiers, ces courriers ébauchés, ces couvertures achevées… Après tout cela, j’aurais terminé ? 

J’ai tourné l’idée dans ma tête à de multiples reprises. Mais il était là, posé à la dernière ligne de l’épilogue : le point. Je me suis sentie satisfaite un bref instant, et très vite le vide est apparu. Je suis démunie face à ce minuscule signe de ponctuation. Il marque un arrêt alors que j’ai encore mille choses à faire, à dire : retravailler mes résumés, mes courriers, ma liste d’éditeurs à contacter et puis, me replonger dans les 200 pages griffonnées de la partie 2, approfondir les idées de la partie 3. Car cette histoire est une trilogie. Ce n’est donc qu’un début qui s’achève en ce moment. Momentanément.

Je me dis tout cela et, en même temps, il me semble que je n’arrive pas à remettre le pied à l’étrié. Car, j'ai le sentiment qu'il faut que je replonge dans la première partie, pour me remettre en tête les idées qui ne me quittent pourtant pas. Le texte m'appelle. Si je cède, si je pose les yeux sur ce que je crois avoir terminé et qu’une idée nouvelle me cerne, ou que la tentation de reformuler un passage me taraude ? Quand est-on sûr qu’un texte peut se figer sur le papier ? En est-on seulement sûr un jour ? Un point, s’il n’est pas final, est-il définitif ? 

Et si cette petite voix me dit encore qu’il faut revoir, relire, restructurer un chapitre, un paragraphe, une phrase, jusqu'à trouver la formule qui apaise mon esprit… Et si ce bouillonnement reprend qui me désespère et me ravit. Je ne pourrais pas lutter. Mes doigts se mettront à pianoter sur le clavier… Sans me consulter, ils le feront, j’en suis sûre !

Sur le point de tourner les 300 pages de mon roman, je me surprends à lever le pied, comme perdue au-dessus du vide, comme un dernier réflexe de repli pour préserver cet enfant que j’ai tenu jalousement pour moi seule pendant tant de temps. Ou peut-être est-ce la peur devant le travail qui m’attend encore : tous ces mots à écrire, toute la violence de l’idée qui émerge de nulle part et bouscule mes mots. Mais c’est un sursaut bien inutile. L’écriture me rattrape déjà. Pas d’échappatoire. Le point s’évapore tandis que, sous mes yeux, se composent à l’écran les mots : à suivre…

1 commentaire:

  1. Chère, chère Alexandra... quel joie de prendre ce temps intime avec toi! Nous devions partir, aller à Paris, rentrer dans la nuit... et voilà que tout s'allège! Je peux enfin me reposer dans cet espace lumineux. Ton écriture vivante... Un refuge pour mon cœur.

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