Face
à moi, la feuille est blanche. Je la contemple comme un grand vide.
J’ai le vertige. Je me laisse un peu griser par ce frisson qui ne m'effraie plus, puis je l’appelle. Elle apparaît aussitôt, me
prend par la main. Nous avançons côte à côte, en silence. Le chemin se dessine sous nos pieds.
J’avance,
confiante, dans ce paysage nouveau. Il y a un instant encore, il n’y
avait rien et maintenant elle construit tout : la table au fond
de ce café, la foule dehors. Je ressens son émotion lorsqu'elle regarde les passants. Les vibrations de la ville résonnent en elle. Elle s'assoit. Elle est bien. Elle se sent à sa
place dans cet endroit qui lui ressemble.
Mais elle sait que ce moment est éphémère, que l'heure approche du départ. Elle
sait ce que je vais faire d’elle et elle m’a déjà pardonné.
Elle est à la croisée des chemins. Elle voudrait prendre une voie
confortable et douce, rester dans ce café, s’épanouir dans d’autres bras.
Mais alors, il n’y aurait plus d’histoire…
Maintenant, c'est moi qui tire sur sa manche. Il est temps, lui dis-je. Elle comprend et me suit sur
cette autre voie, celle qui la verra s’étioler lentement. Elle me
suit la tête haute car elle sait que je soignerai sa chute, que je ferai tout pour que son déclin soit beau. Parce qu'au fond, malgré tout le mal que je lui donne, je
l’aime bien ce personnage.
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