Consigne : choisir 5 mots/expressions relevés lors des lectures, ainsi que 2 à 3 contes et écrire un texte dans lequel les personnages principaux des contes retenus se rencontrent. Ce texte commence par « Il / elle distingue un frôlement de pas sur le pavé de la cour, puis la porte gémit. »
Il distingue un frôlement de pas sur le pavé de la cour, puis la porte gémit. Comme le temps lui avait paru long avant que quelqu’un ne daigne lui ouvrir. Mais, tandis que sa jeune épouse à ses côtés, déjà pinçait les lèvres, lui à aucun moment ne perdit patience. Evidemment, il faisait partie des bonnes gens maintenant et l’on ne fait pas attendre les souverains. Mais la sensation de porter une couronne sur sa tête, en lieu et place de son vieux couvre-chef élimé, était bien trop récente pour qu’il ait pu se faire à tous les usages.
La porte s’ouvrit donc et un valet apparu se pliant aussitôt en deux pour faire une révérence au couple royal. Il leur ouvrit ensuite le passage sur un extatique « Permettez ». Et lui, le pauvre soldat devenu roi se mit à avancer sur ces tapis épais, dans ces larges allées, essayant de masquer le continuel ébahissement qui animait son regard depuis qu’il avait par hasard et par ruse découvert le secret des douze princesses.
L’énigme des chaussures usées chaque soir s’était révélée être une mascarade d’enfants vaniteuses. Le roi, leur père, satisfait des économies qu’il pourrait désormais faire lui avait fait don de l’une de ses filles en même temps que de sa couronne. Puis, il s’en était retourné en silence à sa montagne d’or. Il n’aurait plus à se soucier que de cela. Tandis que lui, le pauvre soldat devenu roi devait maintenant régenter des hectares de terres, des centaines de serviteurs, des milliers de bêtes.
Il découvrait ses nouvelles fonctions et l’étendue de son ignorance lorsque sa jeune épouse lui avait apporté l’invitation dorée. Et s’il faut commencer par le début, c’est en fait ici que cette histoire a réellement démarré. Un jeune monarque d’un royaume voisin s’était épris d’une mystérieuse princesse, disait-on. Tout le monde était en émoi, y compris sa jeune épouse, devant la rumeur qui accompagnait l’annonce de leurs noces : une histoire de cygne et de transformation à la tombée du jour.
« La magie n’existe pas » répétait notre pauvre soldat à sa jeune reine naïve, tout en omettant de parler du manteau grâce auquel il avait découvert le lieu du bal secret où elle et ses sœurs usaient leurs souliers de soie des nuits durant par le passé. « La magie n’existe pas » maintenait-il, mais il accepta toutefois d’assister aux noces de ses étranges voisins.
Et le voici à présent dans leur palais, à attendre que la foule des curieux couronnés étalent leurs présents au pied de leurs deux trônes. « La magie n’existe pas » se répétait-il encore lorsque son tour fut venu. Face à lui, il avait à présent le visage de la princesse qui serait demain reine d’un autre royaume que le sien. Dans son regard, point de vanité. Seulement l’ombre d’une lourde peine et l’étincelle d’un amour naissant. « La magie n’existe pas » car c’est toujours un cygne qu’il voyait devant lui ou plutôt c’était une femme qui avait gardé toute la grâce de l’animal qu’elle a été dans une autre vie.
Après les hommages, la foule des convives se dispersa allègrement dans les cours et les jardins du vaste château. Le pauvre soldat devenu roi, pour qui tout cela était trop neuf, pris un chemin de traverse. Ses pas le menèrent au bord d’un lac immense et là il vit marcher la femme-cygne, encore princesse, bientôt reine. Elle glissait au bord de l’eau, comme si l’onde était un support de glace. Les pans de sa robe flottaient autour d’elle comme le plumage immaculé d’ailes irréelles.
Il avait devant lui un ange et il se sentit tout à coup malheureux. Il en voulu à la sorcière de ne pas l’avoir guidé vers cette princesse-ci qu’il aurait tant aimé avoir sauvé. Il eut envie que ce soit elle, sa compagne de toujours. Il se mit à souhaiter qu’elle ait fait partie de sa vie par le passé et qu’elle revenait maintenant, seulement maintenant. Il avait envie de changer d’histoire – oh tellement ! – et de lui dire :
« Et si tu n’avais pas retenu mon geste, sais-tu que j’aurai brisé ce vestige de nos souvenirs ? Tu m’as dit : "Il a apporté du bonheur tant qu’il a pu" et ma colère et tombée. Je me suis souvenu alors que c’est toi qui éloigne la mort de mon cœur. Et j’ai laissé la joie revenir. Regarde mon cœur à présent : il est léger et leste. Avant que tu reviennes, il était si lourd. Je voulais le briser, tu sais. Peux-tu imaginer dans quel enfer il se trouvait ? »
Mais, il garda le silence, ne fit pas un geste et c’est alors, qu’à son insu, elle lui raconta son histoire, croyant se confier aux seules vagues du lac :
« Ondine, ma douce amie, le sort a été si doux avec moi. Mais comment goûter au bonheur en sachant ce qu’il est advenu de toi. Lorsque j’étais cygne, tu as séché tant de mes larmes. Et où étais-je, moi, lorsqu’en silence et seule tu perdais tout espoir ? Tu as disparu à présent et je devrai me réjouir ? Mais ce soir, à la veille de tant de joie, je n’y parviens pas, mon amie. Ah vraiment, l’amour ne peut-être heureux. Tu ne m’écoutais pas lorsque je te le disais et, ce soir, je pense même qu’il est criminel... »
La femme-cygne à chaque mot faisait un pas vers les profondeurs et le pauvre soldat découvrait un peu plus de son secret. Il ne s’alarma que lorsque la surface de l’eau recouvrit le doux visage et retrouva son immobilité. C’est alors qu’avec un courage désespéré, le pauvre soldat devenu roi plongea. Et c’est plus tard, trop tard, en regardant sa couronne disparaître dans les limbes, qu’il se souvint n'avoir jamais su nager. Alors, en coulant au fond du lac, il serra contre son cœur brisé le corps déjà glacé de la princesse qui finalement ne sera jamais reine.
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