Les mots sont là, sur quatre pages, attendant d'être relus. Je connais leur teneur et cela fait trois ou quatre chapitres que je ne me résous pas à ce qui va se produire. Mais, il le faut et, ce matin, j'essaie d'être raisonnable, de me dire que c'est dans l'ordre des choses, que ces mots doivent être dits. Ils feront mal. Des portes vont claquer. Les voix vont s’élever. Il y aura de l'incompréhension, de la colère, de la distance. Mais, il le faut.
Je commence ma relecture. Je voulais que ce chapitre soit introduit par un dialogue, pour dire les mots sans attendre. Mais, je réalise qu'il manque des choses, des détails. Où sont-ils ? Que voient-ils ? J'ai besoin de me sentir comme auprès d'eux d'abord. Alors je m'arrête et j'ajoute des détails. Je me dis qu'il ne s'agira que d'un paragraphe. Ou deux. Juste quelques mots pour gagner encore un peu de temps, pour faire durer ce calme avant la tempête.
Et puis, tandis que je décris leur marche, leurs bouches closes, leurs bras ballants, dans le silence qui n'a pas été brisé, son regard se voile. Elle sait ce qui va se produire, ou du moins elle s'en doute. Elle ne veut pas entendre et, au son d'une parole anodine, les larmes se mettent à couler. C'est un flot, une rivière qui coule sur ses joues. Et moi, j'attends qu'elle se calme pour qu'elle puisse lui répondre, mais les larmes l'en empêchent.
Elle essaie de parler et sa voix se brise. Les mots sont pourtant prêts, quelques lignes plus bas. Moi, je la regarde et j'attends. Je ne vois pas que, dans l'ombre, il s'est approché. Il n'a pas supporté ces pleurs et il a ce geste imprévu qui va à l'encontre de tout ce qui doit suivre : il lève la main, le visage dévasté, et essuie les larmes avec tendresse. Maintenant, il est à genoux devant elle et, sans un mot, s'excuse de ce qu'il était sur le point de lui dire.
Alors, je comprends qu'une fois encore, ils ont pris le pas sur moi. Je baisse les armes. Les mots ne seront pas dits. Ils resteront là, dans un coin de fichier que j'archiverai ailleurs. Je vais éloigner ces mots de ces personnages qui me prouvent qu'il y a une autre voie, un autre chemin. Je peux être déterminée parfois, mais ici, face à eux, je ne me résous à semer le trouble.
Elle essaie de parler et sa voix se brise. Les mots sont pourtant prêts, quelques lignes plus bas. Moi, je la regarde et j'attends. Je ne vois pas que, dans l'ombre, il s'est approché. Il n'a pas supporté ces pleurs et il a ce geste imprévu qui va à l'encontre de tout ce qui doit suivre : il lève la main, le visage dévasté, et essuie les larmes avec tendresse. Maintenant, il est à genoux devant elle et, sans un mot, s'excuse de ce qu'il était sur le point de lui dire.
Alors, je comprends qu'une fois encore, ils ont pris le pas sur moi. Je baisse les armes. Les mots ne seront pas dits. Ils resteront là, dans un coin de fichier que j'archiverai ailleurs. Je vais éloigner ces mots de ces personnages qui me prouvent qu'il y a une autre voie, un autre chemin. Je peux être déterminée parfois, mais ici, face à eux, je ne me résous à semer le trouble.
Émue d'avoir eu tellement tort, je sors de la pièce. Je ferme la porte et les laisse au plaisir de cet amour auquel je n'ai pas le droit de toucher. Je réécrirai la suite, tant pis. Ce sera un épisode nouveau. Je mettrai d'autres mots dans leurs bouches, des mots de douceur. Il n'y aura pas de disputes, pas de portes qui claquent. Seulement des caresses et le silence des corps. Les mots ne seront pas dits. La douleur sera atténuée. Le doute sera oublié.
Soulagée au fond, je laisse Annabelle et Lucas se retrouver.
Soulagée au fond, je laisse Annabelle et Lucas se retrouver.
Merci Alexandra de nous faire partager tes mots, ces mots qui sortent dont on ne sait d'où, mais qui doivent sortir.
RépondreSupprimerAnne