Un personnage détient l’objet et va le léguer à un autre personnage. Le texte à écrire doit prendre la forme d'une lettre. Le destinataire de la lettre est celui à qui l’objet est légué.
À Saint-André des Vineux, le 8 août
Ma petite puce,
Tu dois bien rire en me lisant, n’est-ce pas ? Tu as bientôt 15 ans et je t’appelle encore « ma petite puce »... Mais je sais que tu seras pleine d’indulgence pour ton vieux grand-père. Même si tes parents, en ce moment, sont persuadés que patience, indulgence et tempérance sont des notions à jamais perdues pour la jeune femme que tu deviens. Pour moi, tu sais rester l’enfant qui aimait à me servir un thé imaginaire accompagné de sucreries en plastique, les après-midis, après la sieste. C’est comme un secret précieux que l’on partage et qui, pour moi, a la saveur d’une veille de fête.
Pour toi, tout cela est lointain, je le sais. Tu n’aimes pas qu’on évoque le passé et l’enfance. Tu es fermement tournée vers l’avenir qui est la promesse de mille possibles, pluie de joie, d’amour et de lumière... C’est tellement normal ! Tu sais ce que l’on dit : il faut que jeunesse se passe. Tes parents et plus encore moi avons connu cela. C’est ton tour à présent, ma princesse.
Dans le colis que contenait cette lettre et que tu as sans doute ouvert fiévreusement avant de me lire ; à moins que ta sœur ne s’en soit chargée... Je serais curieux, vraiment, de savoir qui a été la plus rapide et j’espère sincèrement que vous ne vous êtes pas disputées à cause de moi. Si c’est le cas, j’en suis désolé et vous embrasse bien fort toutes les deux, mes chéries !
Dans ce colis, disais-je, tu trouveras ma guitare. Ta mère m’a confié par téléphone, il y a quelques semaines, que tu voulais apprendre à en jouer à la rentrée. Elle ne m’a rien demandé et je lui ai proposé de te donner la mienne qui prend la poussière depuis tant d’années. Tu connais ta mère et tu imagines bien sa réaction :« Mais non voyons, tu ne vas pas t’en défaire ! C’est trop de souvenirs pour toi, même si tu n’en joues plus ! » Etc., etc.Ta mère en somme. Toujours à vouloir ménager la chèvre et le chou. J’écris cela sans aucune arrière-pensée, tu t’en doutes, ma petite puce. J’ai eu deux filles merveilleuses et deux petites filles extraordinaires. Je me demande parfois si j’ai été à la hauteur, tant je suis dépassé par vos qualités à chacune...
Mais je m’éloigne encore du sujet. J’ai de plus en plus de mal à m’astreindre à une logique lorsque je m’exprime. Mes pensées vagabondent et j’avoue apprécier leurs errances, me laisser bercer par les chemins qu’elles empruntent. C’est l’âge ! Il paraît que je deviens un vieux schnock. Ta grand-mère n’arrête pas de le répéter et, comme elle ne cesse de dire aussi qu’elle a toujours raison, je ne la contredis pas et me tourne vers ces pensées bondissantes et joyeuses qui me ramènent si souvent à vous, mes filles. Ca énerve ta grand-mère de me voir immobile, perdu dans mes pensées, mais moi, ça me distrait en attendant vos visites, alors...
Que te disais-je ? Ca me revient : la guitare ! J’espère qu’elle aura supporté le voyage. Bien sûr, j’aurai pu attendre le mois prochain, lorsque vous viendrez pour l’anniversaire de Tatie. Mais le mois prochain, tes cours auront commencé, je crois, et je voulais que tu te familiarises avec cet objet avant. D’ailleurs, peut-être est-elle complètement désaccordée et plus bonne à rien. Si c’est le cas, tu auras quand même le temps de t’en acheter une autre. J’ai gratté quelques accords avant de déposer l’instrument dans le carton. Elle me semble encore correcte, mais ton professeur te dira cela mieux que moi.Je te parlais de jeunesse plus haut et c’est un peu de la mienne que je t’envoie. Si tu parviens à la faire résonner, dans l’ombre de la tienne, ce serait merveilleux. Si cette guitare pouvait parler, chanter plutôt, elle te raconterait les voyages que nous avons faits ensemble, les quelques tournées en province. Rien de grandiose, mais c’est ma petite fierté aujourd’hui encore.
J’ai hâte de t’entendre jouer. Si tu savais comme je suis heureux que tu aies choisi cet instrument...Comme je ne suis pas doué pour les envolées lyriques et qu’il faut que je me décide à porter ce colis à la Poste, je t’embrasse simplement, ma petite puce.
Ton papi Noël
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