"Souvenirs dormants" est le titre du dernier roman de Patrick Modiano.
Lectures de passages de ce roman et relevés de mots.
1re proposition d’écriture : établir une liste de noms et de personnes rencontrées et pas revues depuis longtemps (ou seulement croisées et ayant joué un rôle important).
2e proposition d’écriture : retenir 3-4 noms et y associer des éléments (mots / phrases).
3e proposition d’écriture : choisir un nom et écrire quelques phrases dont la première (au choix) : « X. a d’abord éveillé en moi un vague souvenir. » OU « Soudain, j’ai eu la certitude que ce nom, X., était lié à... »
Keral a d’abord éveillé en moi un vague souvenir. Son visage est apparu. Quelque chose dans sa présence m’est revenu. Son prénom et son nom, aux sonorités si particulières, sont venues après. Keral G. était une amie de lycée, connue sur le tard, l’année du Bac. Pas assez cotoyée et perdue de vue durant les premiers mois d’université. Nos chemins se sont croisés à Marne-la-Vallée, ont dérivé côté à côté jusque Nanterre et nous ont séparées...
Keral aimait Kundera et lisait partout : debout dans la cour, en classe dès que la fin d’un exercice le permettait, assise par terre dans les couloirs. On parlait peu mais j’aimais surtout être en sa présence muette pendant ces moments de lecture. Il émanait d’elle alors quelque chose d’apaisant qui rayonnait autour d’elle et qui, au-delà du temps me ramène à elle aujourd’hui.
4e proposition d’écriture : poursuite du texte en mêlant au récit des éléments réels et inventés.
Keral, dans toute l’évanescence du souvenir, je me demande ce que tu es devenue et puis... ce que tu étais alors. Tous ces moments de lecture, étaient-ils des fuites ? Il y avait bien trop de sincérité chez toi pour que ce soit autrement, mais à l’âge d’adolescence, tu étais si solide déjà... Le regard des autres glissait sur toi. C’était si inattendu que j’ai envie aujourd’hui – juste là, dans ce cahier – que ça revête quelque chose d’étrange ou de suspect. Que ça cache un secret, une réserve, une pudeur.
Pardonne-moi si je brise le bloc serein dont ma mémoire a gardé l’empreinte pour toi. Mais je vais te donner un peu de cette fragilité qu’il y avait dans tes gestes et au fond de tes yeux bleus, l’amplifier, quitte à te rendre bancale. Je vais casser l’équilibre de ce temps où rien ne semblait t’atteindre. Je vais mettre en mots une brisure inventée. Oh rien de grave ! Un détail qui va revêtir ce que tu étais d’une ombre de mystère...
Ces moments de lecture étaient une fuite.
Sans être snob, tu ne savais pas quoi dire aux jeunes qui gravitaient autour de toi tout au long de la journée. Tu étais déjà adulte dans un corps de lycéenne. Tu avais déjà vécu cette vie là. Du moins, ce passage de l’adolescence te paraissait-il une redite superflue.
Tu lisais pour que le temps passe.
Tu étais dans les pages de tes livres, comme un usager dans un bus : tu attendais que le moment de l’arrêt vienne pour t’élancer et vivre ta vie. Enfin. T’épanouir dans un travail au service des autres, faire cet enfant rêvé si fort que son absence, dans le réel, en devient inconcevable. Tu nous regardais et tu savais par quoi nous passions. Tu nous regardais avec philosophie en attendant ton moment.
5e proposition d’écriture : terminer en s’adressant à ce personnage aujourd’hui.
Ce que j’ai su de toi, c’est que tu as abandonné les cours de droits, lorsque je quittais ceux de psycho. Tu es devenue maman très vite après l’obtention de ton diplôme d’infirmière. J’étais encore dans toute l’effervescence des cours à réviser, du décompte des points pour avoir telle UV, le lieu de la prochaine soirée à définir, la valse des petits amis... Et ça m’a paru fou que tout cela soit fini pour toi. Que ta vie soit établie.
Il y avait, je me souviens, un mélange d’étonnement, de stupeur, d’incrédulité, d’envie, de jalousie et, en même temps, un rejet. C’était un magma d’émotions que je décode seulement maintenant. La vie nous a éloignées alors plus que jamais. Et maintenant, je me demande où nous en sommes : est-ce que ces points qui nous séparaient se sont rapprochés un peu ?
Il y a eu tant de diversité entre toi et moi. Sommes-nous arrivées au bout des possibles ? Je ne me sens pas capable de tenir la liste de ce que tu pourrais être et de construire ce cahier de statistiques des facteurs qui auraient tendus à mettre un peu de toi en moi et réciproquement. Je me pose une question, peut-être la seule qui compte vraiment : Keral, es-tu heureuse encore aujourd’hui ? As-tu gardé malgré les heurts du quotidien, cette capacité à regarder la vie avec confiance ? J’ai appris moi, mais toi, l’as-tu gardée ?
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