Dans ce dernier atelier d’écriture, Salma nous propose d’explorer la richesse des lieux : territoires de l’enfance entre imaginaires et mémoires réinventées, paysages que l’on porte en soi, géographies entrevues au détour d’un chemin, d’un voyage, d’un visage… Nous allons chercher à comprendre comment tous ces lieux se croisent dans l’écriture.
Lecture d’un poème du recueil Allégeance de René Char.
Puis, écrire un texte de 4 phrases, dont la première phrase commence par "Dans les rues de la ville."
Dans les rues de la ville, le soleil s’installe
Répandant sa chaleur jusqu’aux tréfonds des ombres.
Dans les rues de la ville, l’air n’est plus que moiteur.
La vie est suspendue. Et lorsque la nuit tombe,
L’animation des corps chasse l’air d’été.
Lectures de passages de La forme d’une ville de Julien Gracq et de Marguerite Duras, Un barrage contre le pacifique.
En 30 minutes, écrire un texte intitulé Trajet et proposer une promenade dans un lieu choisi.
TrajetLes portes automatiques s’ouvrent sur les rues de la ville et l’air frais du matin la saisit. Elle resserre l’écharpe autour de son cou et quitte l’hôtel pour rejoindre la gare dont les lumières en face rivalisent d’éclat avec celles de la rue et des affichages alentour. Derrière elle, la petite valise à roulette cahote sur les pavés.
Le ciel rosit au-dessus de sa tête. Le jour se lève, quelque part derrière les immeubles qui lui masquent la vue. Elle avance vers la gare et chaque pas fait monter en elle une impatience fébrile. Depuis combien de temps n’a-t-elle pas vu Paris ? Deux ans ? Trois ans ? Les semaines passent si vite, alors que dire des années ?
Aujourd’hui, elle va revoir Paris, parcourir ses rues, croiser ses habitants, voir comment les vitrines des boutiques se sont apprêtées. Les quelques heures de formation qui ont justifiées cette journée d’évasion ne l’empêcheront pas de goutter un instant au spectacle de Paris. Elle est arrivée la veille au soir dans cet hôtel de banlieue qui lui a offert une escale temporaire aux portes de la grande ville.
Elle demande un aller-retour au guichet. L’agent lance un morne : « Quelle station ? », ignorant son « Bonjour. » Elle annonce fièrement : « Grands boulevards » et les souvenirs abondent : le libraire qui écrivait des avis de lecture sur la couverture des romans qu’il vendait, les affiches de théâtre, les bus à deux étages, les tables des cafés débordants sur les trottoirs. Elle y est par l’esprit, il ne manque que le train pour que son corps la rattrape.
L’agent annonce un prix, pose les deux tickets et prend la monnaie par automatisme sans quitter son écran des yeux. Il n’a pas entendu lorsqu’elle lui a dit « Merci, bonne journée. » Ou alors a-t-il fait mine de ne pas entendre ? En passant le tourniquet, elle se souvient du mouvement incessant de la ville qui a cette conséquence sur les gens qu’ils économisent les mots. C’est en partant en province qu’elle a redécouvert le plaisir de la discussion. La personne croisée deux fois, que l’on finit par saluer chaque matin avec un sourire de plus en plus chaleureux.
Elle arrive sur le quai. Le train sera là dans quelques minutes. Les usagers courent déjà au point du quai qui correspond à la sortie de leur station. Elle avance, à son tour, gênée par son immobilité, sans pouvoir se souvenir du lieu où elle devrait elle-même se positionner. Elle ralentit en voyant la silhouette du train de banlieue se dessiner au loin. Elle le regarde approcher, le cœur palpitant. Le voyage va commencer vers la ville des souvenirs.
Un brusque souffle d’air précède les premières rames. Le train ralentit. Ses vitres sont embuées. Des silhouettes sont déjà amassées à l’intérieur. Les portes s’ouvrent sur une masse uniforme de visages fermés. Elle se souvient alors pourquoi elle est partie. Toutes les joies de Paris constituaient un Graal qu’il fallait mériter chaque matin et qu’elle avait de la peine à quitter le soir, lorsqu’elle y travaillait. Il fallait passer par l’étape du voyage qui était mouvement et paradoxalement contrainte d’immobilité.
Enfin, écrire un texte de 4 phrases commençant par « Elle regarde… » et venant compléter le texte précédent :
Elle regarde le train qui attend sur le quai. Ses portes sont ouvertes sur un espace restreint où les corps seront bientôt trop serrés. Elle fait un pas à l’intérieur, cale son dos contre une cloison et sa valise contre elle. Elle sort un roman de son sac à main et l’ouvre avidement, comme une muraille qui la préservera de l’inconfort du trajet.
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