Atelier d'écriture du 9 janvier 2016 : « Les personnages »

« À peine né à notre conscience, chaque personnage souhaite naître de nouveau, autrement. Il veut naître au langage, s’y déployer, y respirer. S’y exprimer » Sylvie Germain, Les personnages.

J'ai participé samedi 9 janvier 2016 au second atelier d'écriture animé par Salma Kojok à la médiathèque de Tonnerre. Après l'exil, nous avons abordé cette fois le thème des personnages.

Exercice 1 : 

Choisir une photo comportant un ou plusieurs personnages et lister 10 objets pouvant appartenir au personnage retenu (pour moi, une jeune fille voilée marchant de dos ; le visuel ci-dessus s'en approche un peu). Puis, dans cette liste, sélectionner 3 objets (en gras ci-dessous).

Exercice 2 : 

Écrire un texte commençant par : « C’est dimanche matin, 10 heures. » Dans ce texte, utiliser les trois mots retenus dans la précédente liste et donner à voir le personnage à travers ces objets.

Exercice 3 : 

Donner une voix au personnage avec 1 phrase qu'il s'adresse à lui-même et 2 phrases adressées à quelqu’un d’autre. Puis, donner une suite au texte de l'exercice 2 intégrant ces 3 phrases (en gras ci-dessous).

C’est dimanche matin, 10h. L’enfant joue sur une marche en pierre à l’entrée de la cuisine. Elle a ôté ses sandales à semelle de corde, qui reposent à côté de ses pieds nus. Elle est accroupie, repliée sur son univers de jeu où se déroulent mille merveilles. Au milieu des plis de sa robe, deux poupées en terre tournent, guidées par ses doigts menus. Les personnages au visage souriants dansent au son de la voix de la mère qui chante, comme à son habitude, devant ses fourneaux.

Lentement la mélodie se rapproche et s’arrête derrière l’enfant. Elle relève la tête et laisse les doigts maternels dénouer sa natte. Avec l’agitation de la nuit, de longues mèches s’en étaient échappées, lui donnant l’aspect d’une lionne brune. La petite se raidit en sentant le peigne passer dans sa chevelure revêche. Les dents en bois taillées de manière irrégulières lui font mal parfois. Elle se prépare à la douleur que sa mère ne lui épargnera pas, pressée par les tâches quotidiennes.

Lorsque la mère abandonne le peigne sur ses genoux, les poupées se remettent à danser dans les mains de l’enfant. La mère sépare les cheveux et commence à les tresser savamment. Les gestes sont lents et précis, presque tendres. C’est un rare moment de douceur que savoure la petite. Comme un écho, elle se met à fredonner le chant qui résonne inlassablement dans la gorge de sa mère. Elle chantonne tout bas, ses lèvres bougent à peine. L’enfant pose un regard vague sur ses sandales. Les poupées roulent dans une poche. Bientôt, les doigts de la petite lissent, séparent, ordonnent, nouent, puis dénouent, enroulent et  superposent les lanières de tissu décoloré.

« Ah, tu vois que tu peux te laisser coiffer sans crier ! Merci mes oreilles ! » lance la mère en se relevant. Elle se poste devant une marmite dont elle tourne le contenu avec une cuillère en bois. Le chant reprend de plus belle. L’enfant par jeu, réplique d’un air taquin : « Aïe, aïe, aïe ! Tu m’arraches le crâne, m’ma ! » La mère lève les yeux un instant de sa cuisine et croise le regard de son enfant. Elle lui adresse un sourire las : « Trop tard. Il fallait dire ça avant. Va donc me chercher des épices au marché maintenant. Je vais manquer de massalé. » L’enfant bondit sur ses pieds nus : « Et si’m reste un sou ? C’est pour moi ? Hein, m’ma ? » La mère hausse les épaules en signe d’assentiment.

L’enfant étouffe un cri de joie et saute hors de la cuisine. Elle s’arrête un instant devant un miroir émaillé et y contemple son visage encadré à présent de mèches ordonnées. La petite sourit en ramenant sa longue natte sur son épaule. Elle attrape un long tissu dans lequel elle s’enroule et murmure à son reflet, comme un secret qu'elle dépose dans une oreille amie avant de partir : « Suis belle, oui. »