samedi 23 janvier 2016

Vivre au grand jour


Autour du personnage initial décrit dans l'article Le chaînon manquant, se sont mis doucement à évoluer d'autres êtres, humains ou non. Certains ont trouvé très vite une forme et une fonction dans leur nouvel écosystème. Ils étaient là, savaient d'instinct quoi faire, où aller. Ils se sont mis à me dire ce qu'ils voulaient de moi. Le fait que je leur préfère le personnage initial, principal, ne les gênaient pas. Ils ne demandaient qu'à exister, même modestement.

Et puis, d'autres sont apparus. Une minorité fort heureusement. Je devinais leurs ombres, leurs silhouettes. Ils restaient cachés, à bonne distance de moi. Ils fuyaient le dévoilement de la description ou refusaient le destin que je voulais leur tisser. Ils avaient leur existence propre et ne voulaient pas être modelés.

J'ai dû attendre. Des semaines, parfois des mois à ne pouvoir achever un chapitre, à remanier quotidiennement le portrait inachevé au fil de pensées interrompues par le quotidien. Et puis un jour, comme un éclair, je trouvais un compromis, un argument, un pont, un lieu de rencontre. Le dialogue commençait, long, difficile, entre moi et cet autre. Il fallait apprendre à se parler, à se connaître pour avancer ensemble.

Ces personnages étaient si différents de moi, de ce que j'aime, de ce en quoi je crois, qu'ils m'échappaient, que je n'arrivais pas à les intégrer à mon récit. Or il le fallait. Ils étaient venus à moi et même si c'était à contre cœur, ils faisaient partie de l'histoire. Ils avaient leur rôle à jouer. Ça ne me plaisait, pas mais c'était comme ça. Il le fallait. J'ai écouté, regardé ces êtres et leur ai fait une place dans mon univers.

Certains ont fini par se fondre dans le moule que j'avais réussi finalement à construire à leur mesure. Avec un peu de temps, nous nous sommes apprivoisés. Mais il en reste un, toujours dans l'ombre, méfiant. Il résiste, exige une place que je n'arrive pas à lui donner. Qui cédera ? Parfois, la colère l'emporte et il saccage ce qui l'entoure : les lieux bâtis avec patience, les êtres imaginés avec tendresse. Il veut que cette histoire soit la sienne. Il reste caché, en attendant que je lui accorde son unique demande : vivre au grand jour.

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